MESSAGE AUX ELEVES – AVRIL 2020

Ta main se ferme sur mon poignet.
Elle est là, simplement, je la sens :
Pression, équilibre des doigts, plénitude du contact.
Sensations qui disent déjà ta présence, signes de ce que tu es en ce lieu et cet instant précis. La saisie qui s’affirme, et c’est toi qui me parles.
Ta main se ferme sur mon poignet… 
Naissance d’un étrange ballet, dialogue des corps en mouvement, vérité d’une rencontre éphémère.
(Poèmes en prose pour aïkidokas en temps de confinement : katate dori)

Petit message à tous mes élèves (ou plus précisément à tous les aïkidokas qui me font l’honneur et le plaisir d’accepter de pratiquer sous ma direction) – Episode 2 :

Dix-sept mars – dix-sept avril : un mois tout juste que nous sommes, chacun chez soi, confinés, seuls ou en compagnie de nos proches. Expérience nouvelle, éprouvante. Je vous avais dit, lors de mon précédent message, combien les enseignements de l’aïkido pouvaient nous aider dans ces moments. Voici quelques réflexions dans la même veine….

L’aïkido, discipline du corps et de l’esprit, dans laquelle le travail du corps vise à polir notre esprit. Ce travail en relation avec l’autre n’est plus possible depuis quelques semaines, et ne le sera pas encore pendant un bon moment. Pause imposée, nécessaire pour le bien commun. Il s’agit pour chacun d’entre nous de se protéger pour protéger les autres. Finalement, c’est une démarche très aïki, non ? Préserver sa propre intégrité, mais aussi celle de son partenaire et des autres pratiquants autour de soi.

Nous voici privés de cette connexion physique dont nous nous nourrissions il y a peu. Nous allons devoir y renoncer pour un temps indéterminé et c’est frustrant. Nous sommes déjà plus ou moins préparés. La frustration est une compagne récurrente de notre pratique : la technique effectuée se rapproche rarement de notre idéal de pureté du geste, ce qui nous semblait facile en regardant nous semble autrement plus compliqué à réaliser, notre partenaire ne réagit pas comme nous aimerions, nous devons renoncer à pratiquer quelque temps suite à une blessure…  Il nous faut apprendre à accepter cela, à ne pas nous décourager, à refaire encore et encore en essayant de faire un peu mieux à chaque fois.  Faire, en sachant que cet idéal que nous cherchons est à la fois inaccessible et présent à chaque effort.

Ces jours-ci, puisons dans notre expérience, trouvons le courage, jour après jour, de continuer à avancer. Dans ce voyage au long cours qu’est l’aïkido, ce temps de confinement n’est qu’une toute petite interruption. Nous nous relèverons de cette nouvelle épreuve, comme les milliers de fois que nous avons été projetés ou immobilisés sur le tatami ; parce que c’est ce que nous avons toujours fait, malgré la fatigue, quelquefois malgré la douleur ou le découragement passager.

Parce que nous savons qu’il faut recommencer toujours, tant que cela nous est possible, en nous nourrissant des expériences vécues pour aller plus loin sur le chemin.

Nous nous relèverons emplis d’une envie nouvelle, avec décision et détermination. Dans la joie et le plaisir de nous retrouver pour faire un bout de chemin ensemble.

Mare SEYE

17 avril 2020

MESSAGE AUX ELEVES – AVRIL 2020